20 janvier 2013

AGIT-PROP

                                                                                                                    Crédit DR- Cie Escale

EST OU OUEST-PROCES D'INTENTION est une création circo-théâtrale comme vous n'en verrez pas souvent.
D'abord, c'est une création collective; l'ensemble de l'équipe artistique de la Compagnie Escale a participé à la création du spectacle, c'est à souligner. Et puis, la compagnie est une CTT -Compagnie Tout Terrain- qui joue dans les champs, dans les villes, en rue, sous chapiteau, en salle de théâtre, dans les gymnases ou dans les écoles, bravo.
Ensuite, parce qu'il s'agit de théâtre dit d'agit-prop: un théâtre qui vise à agiter les esprits autour de thèmes politiques ou d'actualité. Cette forme théâtrale, née formellement pendant la révolution russe en ex-URSS, prône un théâtre populaire et politique, un théâtre qui réveille les neurones, un théâtre où l'on devient spect-ACTEUR. Pour info, la référence du genre se situe à Bussang -on l'imaginerait au Myanmar mais c'est dans les Vosges- où l'incroyable Théâtre du Peuple est installé depuis plus d'un siècle (le fond de scène s'ouvre sur la nature, imaginez...).
Mais revenons sur EST OU OUEST-PROCES D'INTENTION, je n'arrive pas à l'écrire en minuscule tant la portée de ce spectacle me semble majeure. Vous serez donc juge et partie du vrai-faux procès de Martina K. allemande de l'Est coupable d'avoir quitté la RDA pour goûter aux joies de l'Ouest, puis revenue des "splendeurs du capitalisme", elle devient victime de la Chute du Mur de Berlin et de la disparition de la RDA. La Compagnie Escale entremêle sans cesse le vécu et la fiction (se basant sur l'histoire de la circassienne-comédienne Grit Krausse) et le flou entre improvisation et intervention prévue est saisissant.
Du coup, au Wahrschein Kabarett pendant 1h30, vous ne saurez pas où donner de la tête: désignés comme Chefs de file, représentant un bloc de spectateurs / invités à venir danser sur scène / sollicités pour interrompre la pièce pour une remarque qu'elle soit loufoque ou fondée / soumis aux interviews de l'accusée-partisane-communiste, c'est l'émancipation du spectateur!
Et ça marche! Les faits soulevées questionnent intelligemment chacun de nous sur l'idéologie communiste et on se prend à croire "Et si la vie en RDA avait été, finalement, une expérience riche et juste?"
Le Théâtre existe pour Interroger & en cela EST OU OUEST- PROCES D'INTENTION, c'est du Grand théâtre, presque indispensable.

> la Compagnie Escale et les dates de tournée

13 janvier 2013

AMERICANISME

Edward Hopper / New York Movie, 1939

On en entend parler depuis 5 mois, c'est LA grande expo inratable de la saison: Edward Hopper est en Grand Palais. Qui l'eut cru! Enfin, du Hopper en long, en large et en travers à Paris; un évènement! Et comme tout évènement parisien qui se respecte (!), il faut réserver 3 mois avant, et ... patience garder. C'est long.
La visite guidée de l'expo arrive finalement, et une brève sensation d'être sur la 13 aux heures de pointe, avec une conférencière qu'on peine à suivre (elle cavale la bougresse). Mais quel régal de découvrir les peintures originales d'Hopper, dans une quinzaine de salles, vaste et colorées. On connait tous Hopper, sans connaître vraiment l'homme derrière les oeuvres; ses images très réalistes l'ont longtemps associé au "peintre de l'Amérique" du XXeme siècle (un des plus connus en Europe en tout cas). Et il nous le rend bien, puisque qu'Hopper a été très attiré par l'Europe et a vécu en France (Paris) à 2 reprises (ô fierté * !). Des dires de notre guide, on garde en tête le portrait d'un homme assez taciturne, jamais vraiment épanoui (pas très étonnant). Ses peintures, elles aussi, dégagent toujours une sensation de distance, d'ennui et d'absence au monde.
Sa grande histoire d'amour avec Jo, sa femme, elle-même peintre, habite presque chacune de ses tableaux; il y a donc un petit bout de Jo dans chacune des femmes mystérieuses qu'il a peintes, bel hommage ou jalousie excessive? En effet, ça n'avait pas l'air d'être rose et facile tous les jours avec cette bonne Jo qui lui menait la vie dure et souffrait du succès d'Edward dont elle aurait rêvé.
Hopper, peintre de la lumière, figure souvent une fenêtre ou une porte dans ses huis-clos; un rayon de soleil qui cogne sur un personnage ou l'ombre d'un dialogue suspendu, le tout enrobé d'un voyeurisme assumé. Mais la force d'Hopper, à mon humble avis, est de déclencher notre imaginaire sur les avants-après de ses tableaux, des scènes si photographiques, presque cinématographiques qui paraissent être mis sur "pause".
La "lecture" s'enclenche alors dans nos têtes, pendant et après la visite, et on se demande encore "Mais à quoi pensait cette ouvreuse blonde, inquiète, à l'entrée de la salle?"....

> exposition jusqu'au 3 février 2013, au Grand Palais