30 avril 2013

400


                                                                                                                                                                     Crédit DR Ghislain Dorglandes
Yves Klein l'a écrit, le spectacle de l'avenir c'est une salle vide, et plus de salle du tout. 
Les Sans Cou ont, à mon sens, touché cette vérité avec leur septième création "j'ai couru comme dans un rêve" qui, même si jouée en salle, va au-delà de bon nombre de postulats théâtraux pour crever l'écran / la scène / le rideau / le public. 
Martin va mourir (rien d'étonnant, comme chacun de nous aux dernières nouvelles), mais lui, c'est imminent, la maladie va l'emporter alors que sa descendance est toute fraîchement en route. Dans cette situation un poil extrême et dramatique, les Sans Cou tissent un méli-pas-mélo de formes théâtrales toutes aussi percutantes que poignantes. 
La puissance des Sans Cou, c'est d'imiter terriblement bien la Vie. A chaque instant de ces 150 courtes minutes, on se dit que tout peut arriver, sur le plateau et hors plateau. Les scènes se suivent et ne se ressemblent pas, on rit souvent, on pleure parfois, et on suit Martin dans cet ouragan qu'est la vie: Life is a killer, il paraitrait... Et oui. 
Nous voulons un théâtre en mouvement, un théâtre de l'inattendu, un théâtre en rupture, incontrôlable, un théâtre vivant! Cette variation théâtrale sur un même thème (?) est si réussie que leur formule semble simple et évidente. Avec très peu de moyen, ils arrivent a crier l'essentiel: l'urgence d'être, l'instinct de résister. Pourquoi le théâtre ne nous parle pas ainsi chaque fois? Selon les Sans Cou, le théâtre est un sas qui permet au spectateur de mieux revenir au monde, avec un regard différent, transformé
Et vivant et transformé, on se sent! Foi d'Hirsute, comme dans un rêve...

> compagnie Les Sans Cou, en tournée


21 avril 2013

RE-ENCHANTEMENT


                                                                                                                                                                                                     Crédit DR
L'exposition Le monde enchanté de Jacques Demy vient fraîchement d'ouvrir à la Cinémathèque française: affiches flashy dans le métro, flash-mob dansée devant l'Hôtel de Ville, on entend parler de Demy et pas qu'à moitié ( : voilà, c'est fait, il valait mieux s'en débarrasser au plus tôt au risque de faire monter une pression sous-jacente et fâcheusement inutile). 
Je n'avais encore jamais visité une exposition dédiée à un réalisateur, et déjà premier constat: c'est bien. Le septième art est vraisemblablement beaucoup plus complexe qu'on peut l'imaginer. Dommage qu'il y ait si peu d'expo qui lui soit dédiée; il y a tant à dire et à montrer autour d'une oeuvre et autour d'une carrière. Cinémathèque; ton existence est à saluer; continue ta jolie route, bisou.
Jacques Demy est donc l'Illustre réalisateur d'Illustres films faisant partie de l'Illustre famille du cinéma français (surtout Les parapluie de Cherbourg, Les demoiselles de Rochefort & Peau d'Âne). Link automatique vers nouvelle vague, cinema d'auteur & film musical
L'expo permet de découvrir et de fouiller dans les archives photographiques et cinématographiques de ses films, illustrées d'accessoires et d'autres appuis visuels (croquis, notes de réalisation, témoignages, objets...). On avance donc dans le monde de Demy, entouré par ses muses (Anouk Aimée, Cathy D, Jeanne Moreau...), toutes touchées par la grâce quand Demy les filme. 
Tentative de ré-enchantement du monde #1 de Jacques: autour de nous les couleurs chatoyantes de ses films, des décors irréels recrées à l'occasion, avec papiers-peints pastels ou criards, lampadaires fleuris, et, et, et reproduction des robes de soleil ou de lune de Peau d'Âne... Waouh.
Tentative de ré-enchantement du monde #2 de Jacques: les chansons de ses films, comme celle entonnée à l'unisson par deux jeunes damoiseaux, sautillants et gais dans Les parapluies de Cherbourg; c'est autant improbable que frais, totalement hors du temps. Jacques Demy aimait les garçons, ça se sent (et ça se sait), et admirait les femmes, ça se voit. 
Tentative de ré-enchantement du monde #3: avoir partagé sa vie avec Agnès Varda, quelle grande histoire d'amour et quel talent "composé". Petite minute suspendue lorsque je l'ai aperçu, Varda, sereine, se baladant dans l'exposition, se baladant dans sa vie. 
Oui, Jacques Demy est un enchanteur, ses sortilèges merveilleux sont contagieux lorsqu'en sortant, on se surprend chantonnant sur les pavés...

> jusqu'au 4 août 2013 à la cinémathèque française





13 avril 2013

OGRE

                                                                                                          DR Denis Gregoire

Aujourd'hui, je reviens à mes premières amours: le nouveau cirque. Et dans la famille "néo-clown", je voudrais le grand-frère: Bonaventure Gacon. Sacré numéro, c'est le cas de le dire. Il a fait le CNAC et a tourné avec Plume, le Cirque Klotz et le Cirque Trottola (où il forme un puissant duo avec l'acrobate Titoune).
Bonaventure a crée ce solo de clown en 2001; je pense qu'il a largement ouvert la voie du "clown sale et méchant", depuis, Ludor Citrik, Jeanne Mordoj et Emma la clown ont contribué à la présence des monologues clownesques à la sauce freaks sur scène, et c'est tant mieux.
Par le boudu -c'est le titre du spectacle- c'est un clown terrifiant. Un ogre, un monstre qui se raconte, paisiblement, depuis sa grotte. Bon, il assassine, il crame, il boit, il mâche du verre, il frappe, certes. Mais qu'est-ce qu'il nous plaît! De l'ignoble du personnage émerge petit à petit la douce folie, la grande solitude puis la petite humanité. Et c'est nous; nos angoisses, nos frasques, nos mensonges, nos frustrations, dont on rit et dont on compatit au final. 
"J'erre dans la vie comme une catin sur son trottoir" commente-t-il, entre 2 poèmes et 3 cascades, avec ce ton si particulier qui le rend touchant et enfantin. Bonaventure Gacon arrive à nous faire rire de tout, avec brio (oui ils sont 2, hehe) et avec une fragilité déconcertante. 
Ca donne une envie furieuse de libérer le sale clown enfouit au -1 de notre cortex, ...mais sans la barbe.

> par le boudu par Bonaventure Gacon au Théâtre de la Cité Internationale, jusqu'au 4 mai 2013



7 avril 2013

YUKON


                                                                                                                                                                                      Yukonstyle / crédit DR

Samedi soir, le Théâtre de la Colline nous attend bras ouverts pour nous plonger en plein Yukon.
Le Yukon? Région-empire du nord du Canada, à la frontière de l'Alaska, où tout est "larger than life", comme ils disent, tsé.
La pièce Yukonstyle c'est un peu un bocal à poissons-rouges avec des glaçons a -50°; un peu de mazout dans l'eau pour les asphyxier, 1/4 de gin pour les enivrer et une baffle qui leur crache du Neil Young dans les branchies. C'est gai, quoi. 
L'auteur Sarah Berthiaume est donc canadienne et franchement son texte claque. Comme une porte battante: ça claque fort, c'est pas très agréable à l'oreille ; mais ça marque. L'emploi du franglais dans le texte est un vrai plus; on se sent vite transporté au pays des caribous; ouais tsé, ça te-tentes-tu d'aller fumer une smoke? 
Yukonstyle réunit sur scène 4 solitudes, 4 névrosés dans un grand tout où rien ne passe, à part le temps.. (ouais, mais près de 2h quand même). Il y a Yuko la japonaise venue au Yukon car on y trouve, statistiquement, le moins de japonais au mètre carré; son roomate Garin sévèrement en quête de racines; Dad's son paternel un peu imbibé, et il y a Kate la lolita trash et paumée. 4 as de pique pour une quinte flush haute en couleur. Ah, si, il y a aussi le corbeau, qui incarne un peu le Yukon, territoire-personnage a part entière.
Mise en scène vraiment enthousiasmante, par la "très prometteuse" (il parait...) Célie Pauthe; qui signe ici une très belle mise en espace, et des comédiens pile-poil, de justesse et de conviction. 
Après, j'avoue, faut avoir envie d'entendre parler de serial killer, de misère, d'avortement ou d'alcoolisme; ça peut paraître assez rebutant si on veut s'envoyer du baume au coeur. Mais la plongée dans le Yukon est une balade cinématographique; prenante, rude et aussi saisissante que le froid, tsé.

> au théâtre de la colline, jusqu'au 27 avril