23 novembre 2013

INSTABLE

                                                                                            Intérieur avec femme en rouge de dos - 1903


Sous un air lisse et discret, Félix est en fait un vilain garçon. Vallotton est un homme qui se cherche. Une personnalité ambigüe se cachant derrière la sensibilité d'un peintre établi.  
Si, dans la peinture, comme dans la nature humaine, tout n'est qu'équilibre entre ombre et lumière, notons que Felix Vallotton met en scène presque à découvert tous ses penchants instables..
Des gravures explorant le thème badin de l'adultère, une jeune femme nue au regard absent, une scène conjugale lourde de sous-entendus, tous les faux-semblants de la société y passent. Relations sentimentales, familiales, politiques; l'ironie et la malaise se faufilent dans les tableaux de Vallotton pour y traduire l'esprit un brin pervers et désabusé du peintre. 
L'exposition qui lui est consacrée en ce moment au Grand Palais est malicieuse en cela qu'elle susurre au visiteur une lecture psychologique du personnage, par une mise en espace non pas chronologique, mais thématique. Refoulements, symbolismes, radicalité, toutes ses obsessions prennent corps dans ses peintures.
J'avoue une affection forte pour sa série d'oeuvres très photographiques, qui rappellent le voyeurisme et la fiction murmurée de Hopper. Où va-t-elle ? Qui l'attend ? Quel mot sera prononcé ? Tout commence ou tout finit ? On n'est jamais sûr de rien.
Ce petit coquin de Félix nous tient par le bout du nez en affichant dans ses tableaux son sens de la tragédie, du secret et de l'interdit. Il sait ce qu'il suscite chez l'observateur et s'y complait sans nul doute.
D'où ma question: au jeu du chat et de la souris, qui est le chat? A priori Félix (hehe, bon d'accord... pardon).


> jusqu'au 20 janvier 2014 au Grand Palais




7 novembre 2013

SUREXCITATION

                                                                                                                                                                            Jay McInerney - Crédit DR

Jay McInerney était pour moi l'auteur de 30 ans et des poussières suivi de La belle vie, un américain un rien désabusé dont j'aimais les récits sombres et les personnages en relief. Et bien, ce cher Jay s'intéresse de très près aux Vins, comme il le démontre admirablement bien dans son dernier ouvrage Bacchus et moi. Embarquez, Mesdames-Messieurs, pour une virée flamboyante et sucrée au pays des doux nectars et des flacons rares. Vous ne serez pas déçus du voyage, vous traverserez de tendres chroniques sur tel cépage, tel vigneron ou telle région; ferez étapes chez les allégories Vin/Art les plus loufoques et découvrirez milles paysages littéraires et oenophiles ! 
Selon votre profil dionysien, vous en apprendrez beaucoup sur le pinard, ou beaucoup sur l'auteur, voire les deux. Il nous raconte les frasques de ses amis tatoués "RIESLING", se demande "Bordeaux est-il encore important ?" (interrogation d'une insolence qui me ravit!), il compare avec habileté le Cabernet sauvignon, cépage  "John Wayne" pour sa classe et sa puissance de bourreau des coeurs, au cépage Nebbiolo sorte de "Marcello Mastroianni" du raisin, l'élégance discrète du séducteur qui sait être toujours bien accompagné ... 
McInernay écrit bien et son style, lié à sa passion du vin, toute subjective qu'elle soit, est un festin (qu'on rêve d'accompagner d'un Barolo 2007 au fil des pages, mais passons). On savoure ses chroniques à petites gorgées, priant pour que la fin du régal ne contienne pas trop de dépôt. Je me résous à 2 ou 3 chroniques par soir, personnellement, pour recréer une sorte de caudalie littéraire, un peu vain, j'en conviens. 
Je vous recommande bien certainement la lecture de ce livre, manifeste du savoir-aimer le vin, du plus prestigieux au plus accessible. Son enthousiasme est si communicatif que, présentement, je décède d'envie de goûter à tout, tout et tout (oui d'accord, surtout un Haut-Brion bien mûr sentant "la boîte à cigare contenant un Montecristo, une truffe noire et une brique chaufée à blanc et posée en équilibre sur une vieille selle"). Soit.