8 février 2014

HORIZONS

                                                                               Phia Menard - Cie Non Nova- Vortex, CR Jean-Luc Beaujault

Impardonnable je suis, de vous avoir fait loupé en silence, quelques propositions qui, j'en suis sûre, vous aurez mis fort aise. Veuillez excuser cette absence momentanée de l'internet, Mademoiselle Cailloux pour vous servir, reprend du service. 

Vous auriez probablement tremblé tel le spectre du roi dans La Tragédie d'Hamlet, par Dan Jemmet à la Comédie Française. Un Podalydes convaincant dans une mise en scène jubilatoire tant le foutraque côtoie le mythe shakespearien (Ophélie meurt aux toilettes, Hamlet tague to be or not to be à côté d'un distributeur Durex, tournoi de la Champion's league a la TV...). Du beau n'importe quoi tenu par des comédiens hors pair (sauf Ophélie, désolée chérie). Dommage, donc.

M'auriez-vous suivi au delà de nos frontières pour déguster quelques clichés au poil de ce cher Martin Parr? Il eut fallu aller Only in England, comme le porte bien le titre de cette expo londonienne, pour découvrir cette sélection large des photographies de Parr et du photographe anglais Tony Ray-Jones, qui a ouvert à Parr la voie d'un style, presque d'un parti pris: entre documentaire social et regard artistique. C'est cocasse et étonnamment vivant, de la très grande photographie en somme. Plus au sud, j'aurais aimé vous entraîner au Musée Thyssen-Bornemisza de Madrid lors de l'exposition El surrealismo y el sueno (le surréalisme et le rêve) qui défriche pour la première fois le lien entre le courant artistique du surréalisme et le thème onirique du rêve, des fantasmes en tout genre et des habitants notoires de nos sommeils, qu'ils soient obscurs, doux ou débridés. Par essence, lieu de "tous les possibles" le rêve ou le cauchemar semblent majeurs dans bon nombre d'oeuvres de Dali, Magritte, Ernst, Cahun, Redon ou Miro; dévoilées à nos yeux endormis sous ce jour nouveau, un doux songe. Dommage, donc.

Du coup, auriez-vous pu résister à la visite de "La renaissance et le rêve", au Musée du Luxembourg, pendant moyenâgeux de la vision du Thyssen. Les facéties surréalistes sont remplacées par des Vénus endormies et autres Cupidons ronfleurs au contact du divin. Représenter l'irreprésentable est un pari osé mais ces expos à double entrée thématique me ravissent, je le dis. Dommage, donc.

Je me sens tout autant piteuse en pensant que je ne vous ai pas invité à courir voir la Compagnie Ivan Mosjoukine avec De nos jours, Notes on the circus au 104, petit bijou d'absurdité, de cirquerie sans queue ni tête et de moments qui nous hissent en haute lévitation. Dommage, donc.

Toutefois, pardonnable je suis de vous avoir épargné mes plaintes rageuses et frustrées suite au catalogue de Camille Boitel, proposé par le Théâtre de la Cité Internationale. Cet artiste, acrobate primé que je suis à la trace depuis Jeunes Talents Cirque 2003, qu'il avait remporté à juste titre avec une ébauche du futur magnifique spectacle L'Homme d'Hus, avait ici carte blanche pour construire-déconstruire in situ son monde vacillant et bancal. L'effondrement qu'il affectionne tant s'exprime d'abord avec sa Conférence sur la jubilation, grand monologue puissant mais un peu catastrophique qui hésite à nous plonger dans l'ennui ou pire, dans le rien. S'en suit le terrible Cabaret calamiteux, qui met en scène je cite "la ruine des hommes et des choses". Sic. Que dire? Quel désenchantement d'avoir plus de 10 artistes de talent sur scène dans une création aussi inconsistante. J'en reste coi. Dommage ?

Bon, tout ceci dit, que nous reste-t-il à nous mettre sous la pré-molaire en ce joli mois de février me susurrez-vous à voix basse ? (oui, vous êtes polis, vous parlez tout doucement)
Ce à quoi je réponds: t'inquiète, poussin; ya de quoi faire.
Vous pouvez (comme quelques autres 12 000 spectateurs) découvrir Le porteur d'histoire mise en scène par Alexis Michalik, drôle de saga théâtrale extrêmement bien ficelée quoiqu'un peu boulevard sur les bords; mais dont le double (voir triple) niveau de lecture mérite amplement le détour ! Ou comment mélanger le désert algérien, les frasques d'Alexandre Dumas, des passions secrètes et le pouvoir de la littérature dans un combo épique soutenu par une troupe de haute volée. 

Mais aussi, voir Phia Ménard dans le singulier Vortex où l'ex-jongleur, nouvellement jongleuse, domine le vent comme on lutterait pour dominer d'autres éléments déterminants de l'existence : corps et identité renaissants; une gravité troublante et sincère, un spectacle rare. 

Enfin, un petit tour à la galerie Polka et puis s'en va, à l'occasion de l'exposition Pastoral du photographe russe Alexander Gronsky. Autant sinistres qu'émouvantes, ses photographies parlent d'un quotidien russe qu'on n'imagine pas, fait de vide, d'immensité et de détails incongrus... Un regard très fin, très esthétique sur la réalité sourde et bétonnée de la Russie actuelle. 

A votre service,
Hirsute


> le porteur d'histoire au Studio Champs-Elysés
> vortex au Théâtre de Colombes
> pastoral à la Galerie Polka













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